Entretiens d'actualité - 30ème réunion
Programme
- Lisa AERTS. Présentation de la votation populaire suisse du 29 novembre 2020 concernant l’initiative populaire « les entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement ».
Le peuple suisse est appelé ce dimanche à se prononcer sur l’initiative populaire « Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement ». Portée par de nombreuses ONG et ayant récolté 120 418 signatures, cette initiative propose de modifier la Constitution suisse pour que « les entreprises qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal en Suisse » se voient obligées de « respecter également à l’étranger les droits de l’homme internationalement reconnus et les normes environnementales internationales », « de faire preuve d’une diligence raisonnable » et soient tenues responsables « du dommage causé par les entreprises
qu’elles contrôlent lorsque celles-ci violent des droits de l’homme internationalement ». Cette initiative a été l’objet d’une importante campagne de communication, d’intenses débats et s’est vue opposer un contre-projet. Dans cet exposé, nous reviendrons sur le système de votation suisse concernant les initiatives populaires, mais également les arguments pour et contre ce projet, ainsi que l’intérêt de ce dernier dans la sphère internationale et notamment ses effets extraterritoriaux.
- Noury KAMEL. Rejet du rachat de Newcastle United Football Club par le Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite : les enjeux d’une distinction entre l'État et les agents économiques publics.
Suite à l’opposition de la Premier League — championnat d’Angleterre de football — au rachat de Newcastle United Football Club par un consortium mené par un fonds souverain saoudien, le club a décidé, le 19 novembre dernier, d’engager une procédure d’arbitrage contre le championnat anglais. Si le litige est pour l’instant à un stade embryonnaire et reste marqué par la confidentialité telle que prévue par le règlement de la Premier League, quelques éléments viennent éclairer le rejet de rachat. D’une part, la ligue estime que Newcastle n’a pas fourni les éléments suffisants prouvant l’indépendance et l’autonomie du Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite vis-à-vis de son gouvernement. D’autre part, l’annonce de l’offre de rachat suscite l’indignation et l’opposition de défenseurs de droits de l’homme et de la chaîne beIN Sports — impliquée dans un différend relatif au piratage d’images lui appartenant et opposant le Qatar à l’Arabie saoudite devant les instances de
l’OMC.
Une telle affaire questionne le rôle de l’État dans la gestion de son véhicule d’investissement et les risques d’ingérence au sein des économies étrangères. De même, elle réaffirme la place importante du risque de réputation des agents économiques publics au sein des sphères financière et commerciale, ce qui fait écho à d’autres transactions avortées similaires telles que l’échec de reprise de l’entreprise américaine Unacol Corporation par la China National Offshore Oil Corporation en 2005 ou encore la tentative d’achat de six ports américains par Dubai Ports World en 2007.
- Cyril COHENDY. L'arrêt du Tribunal de l’Union européenne (T-735/18) sur le projet d’interconnexion marchande Aquind: Une réglementation européenne du réseau d'énergie toujours (et encore) à définir
Ce 18 novembre, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt d’importance pour l’Union de l’énergie et les compétences des commissions – ou chambres – de recours des agences de l’Union européenne. Celui-ci annula le rejet de la Commission de recours de l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) de l’octroi du régime dérogatoire dit « d’interconnexion marchande », que la société Aquind, promoteur du projet d’interconnexion éponyme, avait demandé (Board of Appeal A-001-2018). Cet arrêt a de nombreuses répercussions. Il met tout d’abord en lumière les contradictions du régime des interconnexions marchandes. C’est-à-dire l’octroi d’un monopole temporaire à un investisseur « privé » en échange de la construction d’une interconnexion entre les réseaux régulés de transport d’électricité nationaux.
Cet arrêt ponctue un contentieux dont les germes résident dans le déséquilibre entre les compétences et les exigences juridiques (et les moyens) pesant sur l’ACER, « sa » Commission de recours, et les autorités nationales de régulation. Le Tribunal annula sans difficulté la décision précitée de la Commission de recours de l’ACER car, en fin de compte, cette dernière définit ses compétences en fonction de son contexte et non en droit. Il est vrai, sa tâche relève de l’acrobatie. Ses décisions ont de fortes incidences sur les structures d’approvisionnement énergétique des Etats membres qui sont, en même temps, souverains en la matière. Et contrairement aux autorités nationales de régulation ou à la Commission européenne, les décisions de l’ACER reposent sur un raisonnement économique dont les inévitables biais ne sont compensés par aucun pouvoir de négociation.
À l’instar d’autres agences de l’Union, le contentieux de la Commission de recours, chargée de contrôler les décisions individuelles de l’ACER, n’est ni administratif, ni juridictionnel, mais assurément quelque part entre les deux. Le Tribunal a fait montre d’une pédagogie qui aura, à notre avis, nécessairement des répercussions sur le contentieux des agences de l’Union, dont les commissions de recours contrôlent également des décisions administratives européennes à portée économique.
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