Entretiens d'actualité - 24ème réunion
Le programme est désormais arrêté. Il sera le suivant :
- Charlotte COLLIN. L’arrêt du 13 février 2019 de la Cour internationale de Justice sur les exceptions préliminaires dans l’affaire de Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique): abus de procédure, droit des traités et droit des immunités... ce que la Cour dit ; mains propres et renvoi au fond de la question du statut juridique de la banque centrale iranienne... ce que la Cour ne dit pas
L’Iran et les Etats Unis ont cessé d’entretenir des relations diplomatiques dès 1980 à la suite de la révolution iranienne de 1979, de la prise de l’ambassade américaine à Téhéran, et d’un attentat contre des militaires américains survenu au Liban. Depuis cette période, les Etats-Unis désignent l’Iran comme « Etat soutenant le terrorisme », et ont multiplié les mesures de sanction et de blocage des actifs iraniens1. Un pas supplémentaire fut récemment franchi lors du retrait des Etats-Unis, le 8 mai 2018, de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, ou « Plan d’action global commun », conclu en juillet 2015 entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que l’Allemagne et l’Union européenne, et prévoyant la levée de plusieurs des sanctions visant l’Iran, notamment celles adoptées multilatéralement au sein de l’ONU ou unilatéralement par les Etats-Unis et l’UE en contrepartie de restrictions s’appliquant au programme nucléaire iranien. Suite à ce retrait, les sanctions américaines à l’égard de l’Iran se sont renforcées, les difficultés économiques rencontrées par l’économie iraniennes accrues, et l’Iran décida dès lors de saisir les juridictions américaines, dans un premier temps, puis la Cour internationale de Justice, le 14 juin 2018, en invoquant la violation du traité d’amitié signé par les parties en 1955, en particulier en ce qui concerne les actifs de la banque centrale iranienne. Dans son ordonnance sur les mesures conservatoires du 3 octobre 2018, la Cour a reconnu sa compétence prima facie sur la base d’une clause compromissoire contenue dans le traité d’amitié, et a rejeté l’argument des Etats-Unis selon lequel le différend portait en réalité sur le Plan d’action global commun (dont la nature juridique était par ailleurs controversée). La Cour s’est en outre déclarée compétente malgré la dénonciation de l’instrument par les Etats-Unis quelques mois avant la saisine de la Cour.
Le 13 février dernier, la Cour a par ailleurs rendu son arrêt relatif aux exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis, qui portaient tant sur la compétence que sur la recevabilité. En attendant l’arrêt sur le fond, dont la portée sera particulièrement importante compte tenu de l’application extraterritoriale croissante du droit américain (comme par exemple les sanctions contre la Russie), l’arrêt sur les exceptions préliminaires est intéressant à étudier pour ce que la Cour dit, mais également pour ce qu’elle évite de dire. Si la Cour consacre des développements intéressants, et étayés, à l’interprétation des dispositions du traité d’amitié en général, et de celles relatives au droit des immunités en particulier, et refuse de caractériser un abus de procédure ; elle contourne cependant, et peu soigneusement, la question de l’application de la théorie des mains propres, et renvoie étonnamment au fond la question de la qualification de la banque centrale iranienne en tant que « société ».
- Vincent BASSANI. Vers la fin des traités bilatéraux d’investissement entre Etats membres de l’Union européenne
Moins d’un an après le rendu de l’arrêt Achmea (CJUE, Gr. ch., 6 mars 2018, aff. C-284/16), dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que la clause d’arbitrage investisseur-Etat du traité bilatéral d’investissement entre la Slovaquie et les Pays-Bas portait atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union européenne, les Etats membres de l’Union européenne ont, à travers plusieurs déclarations de janvier 2019, affirmé qu’ils mettront tout en œuvre pour déposer au plus tard le 6 décembre 2019, tout instrument mettant fin aux traités bilatéraux d’investissement qu’ils ont conclu entre eux. Si ces déclarations signifient que l’extinction des désormais célèbres « TBI intra-UE » est proche, elles n’en soulèvent pas moins de nombreuses questions. Ces déclarations donnent également l’occasion de revenir sur les problèmes que pose l’existence de ces traités, qui ont alimenté les rapports entre le droit de l’Union européenne et le droit international des investissements.
- Paul HECKLER. Affaire de l'archipel des Chagos, acte II : analyse de l'avis consultatif rendu par la C.I.J. le 25 février 2019
À la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, la Cour devait déterminer la conformité au droit international du détachement de l’archipel des Chagos du reste du territoire de la future République de Maurice en 1965 dans le cadre du processus de décolonisation et son maintien sous souveraineté britannique depuis cette date. Cet avis, dont la demande avait fait l’objet d’une communication lors d’une précédente séance des Entretiens d’actualité, s’inscrit dans le contexte géopolitique d’un conflit opposant Maurice, le Royaume-Uni et dans une moindre mesure les États-Unis qui possèdent une base militaire dans l’archipel, conflit à propos duquel un tribunal arbitral constitué sous l’égide de l’annexe VII de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer avait été saisi en 2015 et pour lequel il s’était déclaré incompétent. La réponse apportée par les juges, qui concluent que le processus de décolonisation de Maurice «n’a pas été validement mené à bien» du fait de la séparation de l’archipel des Chagos, mérite d’être analysée, tant sur ces aspects relatifs à la compétence de la Cour, qui n’était pas assurée, que sur la résolution de la question au fond ainsi que sur les conséquences encore incertaines de cet avis