Ordre juridique et désordre international
Comment comprendre l’architecture du droit international qui repose sur de grands principes unificateurs gardés par le juge international, mais embrasse une multitudes de normes et systèmes qui tendent au contraire à le fragmenter ? Tel est l’un des principaux sujets de réflexion de Pierre-Marie Dupuy qu’on trouve développé dans plusieurs articles de ce recueil qui révèlent une constance admirable que son Cours général à l’Académie de droit international avait mise en évidence et qui justifient le titre de cet ouvrage qui, cependant, ne se limite pas, loin de là, à ce questionnement mais offre au lecteur un florilège d’écrits qui relèvent tant de la technique que de la théorie, de l’histoire et de la philosophie du droit. Il y a en somme une unité de pensée de l’auteur dans la diversité de ses objets d’attention et analyses.
Un autre facteur d’unité remarquable est le fait que l’auteur n’entend pas, ni n’a jamais entendu, s’enfermer dans une étude purement juridique du seul univers juridique international. Trop conscient que, s’il existe bien un ordre juridique international, le monde est plongé dans un désordre politique international, Pierre-Marie Dupuy ne cesse de réfléchir à cette inadéquation entre cet ordre juridique et ce désordre politique, entre une promesse de paix et d’humanité et la prévalence des conflictualités. Il s’agit de montrer, d’une part, que celle-ci n’est pas si importante que certains se plaisent à le dire, le droit international s’adaptant à ce qui lui est extérieur, et surtout d’accepter de traiter le droit international pour ce qu’il est, un système dont l’efficacité est tributaire de facteurs qui lui sont extérieurs et de l’analyser au regard de ceux-ci.
Pierre-Marie Dupuy n’a jamais pu se contenter de décrire le droit international, mais invite toujours à le comprendre sans hésiter à le critiquer et simultanément à en découvrir les promesses. Et s’il veut croire à ces dernières, passant incessamment du monde des idées à celui de la pratique, l’auteur reste lucide et montre leurs limites, comme pour mieux les dépasser.