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Séminaire

42e réunion des Entretiens d'actualité de l'IREDIES

Entretiens d’actualité

42e réunion

Organisée par Clara GRUDLER, Guillaume LANGLE, Apolline MARICHEZ et  Valentin MARTIN,

Doctorants en droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

Mardi 6 février 2024

17h – 19h

Campus Lourcine, Salle des séminaires / sur Zoom

 

Inscription obligatoire avant le 2 février – remplir le formulaire en bas de page

 

Programme :

Analyse de l’arrêt du Tribunal du 13 sept. 2023, Venezuela c. Conseil de l’Union européenne : quel contrôle juridictionnel pour les régimes de sanctions adoptés par l’Union européenne ?

par Antoine JAMET

Docteur en Droit de l’Université Paris-Saclay et Chargé d’études à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)

La politique juridique extérieure de la Chine à l’égard des mécanismes de règlement des différends en matière d’investissement : l’arbre qui cache la forêt ?

par Valentin MARTIN

Doctorant en Droit international à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)

Exécution de la sentence arbitrale Micula : le Royaume-Uni devant la Cour de justice de l’Union européenne

par Vincent BASSANI-WINCKLER

Doctorant en Droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)

 

Présentation des interventions

• Antoine JAMET, « Analyse de l’arrêt du Tribunal du 13 sept. 2023, Venezuela c. Conseil de l’Union européenne : quel contrôle juridictionnel pour les régimes de sanctions adoptés par l’Union européenne ? »

Le 13 septembre 2023, le Tribunal de l’Union européenne, réuni en grande chambre, a statué au fond sur la licéité en droit de l’Union du régime de sanctions adopté par le Conseil de l’UE visant les actifs liés à la République bolivarienne du Venezuela. C’est la première fois que les juridictions de l’Union étaient amenées à se pencher sur une telle question. Cet arrêt est ainsi le premier à fixer la nature du contrôle juridictionnel s’opérant sur les régimes de sanctions décidés dans le cadre de la politique étrangère de l’Union européenne.

Dans cette décision, le Tribunal a commencé par préciser la nature juridique de tels régimes de sanctions, retenant qu’ils ne constituent pas des actes de portée individuelle visant spécialement un État, mais des actes de portée générale et abstraite s’appliquant à des situations déterminées objectivement. Il a après cela été amené à considérer les divers arguments soulevés par le gouvernement du Venezuela pour contester le régime de sanctions dont il s’estime victime. Tout d’abord, le Tribunal s’est penché sur la question de l’encadrement procédural de l’adoption de régimes de sanctions, retenant que la nature des mesures de sanction excluait un droit du gouvernement vénézuélien à être entendu avant la prise de décision par le Conseil de l’UE. Ensuite, le Tribunal a examiné le point du respect de l’obligation de motivation de l’adoption du régime de sanctions, relevant que la République bolivarienne du Venezuela ne pouvait ignorer la nature des raisons motivant la décision du Conseil de l’UE d’imposer ces sanctions ainsi que les objectifs que ces mesures se proposent d’atteindre. Le Tribunal a également considéré les arguments de l’inexactitude matérielle des faits et d’une erreur manifeste d’appréciation de la situation au Venezuela, à l’égard desquels il a relevé l’existence d’éléments de preuve objectifs justifiant le jugement politique porté sur la situation par le Conseil de l’UE et l’absence d’éléments probants invoqués par le gouvernement du Venezuela pour se défendre. Et enfin, le Tribunal a examiné la licéité du régime de sanctions sous l’angle du respect des obligations internationales de l’Union en tant que contre‑mesures, rejetant l’ensemble des arguments développés par le gouvernement vénézuélien.

Après avoir brièvement rappelé le cadre politique et juridique du litige, cette proposition de communication entend s’attacher à développer spécifiquement deux points. Premièrement, exposer la nature du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal sur les mesures politiques que sont les sanctions adoptées par l’Union dans le cadre de sa politique étrangère. Deuxièmement, analyser le maniement du droit international en matière de contre-mesures fait par le Tribunal.

 

• Valentin MARTIN, « La politique juridique extérieure de la Chine à l’égard des mécanismes de règlement des différends en matière d’investissement : l’arbre qui cache la forêt ? »

Hostile à toute politique favorable à la signature d’accords d’investissement avant la décennie 1980, la République Populaire de Chine (RPC) entre tardivement dans le système international de règlement des différends entre investisseurs et États, par la signature d’un premier TBI avec la Suède en 1982. Pourtant, elle parait aujourd’hui avoir rattrapé un retard conséquent, en devenant à la fois le deuxième pays au monde le plus actif en matière de signature de traités bilatéraux d’investissement (TBI) après l’Allemagne (étant liée, en mai 2023, à plus de 130 accords d’investissement ou impliquant une section relative aux investissements), mais également l’un des États ayant la plus forte capacité d’investissement à l’étranger. Pourtant si désormais, depuis 1997, l’ensemble des accords d’investissement signés par la Chine n’incluent plus de limitation matérielle à la juridiction des tribunaux arbitraux, force est de constater que ce soutien officiel chinois ne s’est pas concrètement traduit par une pratique chinoise développée de l’arbitrage d’investissement, au regard du nombre extraordinairement peu élevé d’affaires arbitrales d’investissement impliquant la Chine ou un national chinois. La Chine est d’ailleurs parmi les États obtenant le score le plus bas (comparé aux dix États ayant signé le plus de TBI au monde) si l’on observe le ratio « nombre de TBI signés » / « nombre d’affaires arbitrales impliquant l’État ou ses nationaux ». À ce jour, seules 17 affaires ont été soulevées par un national chinois, et 9 avec la Chine comme État défendeur. L’objectif de cette intervention sera donc de nous interroger sur la façon dont la Chine apparaît officiellement comme un soutien inconditionnel de la procédure arbitrale d’investissement, tout en réussissant en pratique à limiter drastiquement la mise en œuvre des procédures arbitrales à son égard.

Le maintien d’une politique chinoise grandement limitée à l’égard de l’arbitrage d’investissement se comprend au travers de multiples facteurs : l’absence de renégociation des TBI de premières générations (qui limitent la saisine arbitrale aux seuls différends « portant sur le montant d’une indemnisation liée à une expropriation »), l’absence d’une jurisprudence constante dans l’interprétation de ces clauses compromissoires de premières générations, la mise en œuvre d’une diplomatie chinoise au soutien d’une interprétation stricte de ces clauses compromissoires limitées, le développement d’une obligation de suivre une procédure administrative préalable à toute saisine arbitrale, et enfin le maintien d’une incertitude à l’égard de l’exécution des sentences arbitrales en Chine.

Mais la Chine n’est pas seulement réticente à la saisine arbitrale. Elle développe également, depuis plusieurs années, une diplomatie de soutien au développement de mesures alternatives au processus juridictionnel. Cette intervention sera également l’occasion de revenir sur les récentes propositions chinoises de « déjuridictionnalisation » du règlement des différends d’investissement dans le cadre des processus de réformes internationaux (réforme du règlement des différends d’investissement à la CNUDCI, négociation de la Convention de Singapour, développement de tribunaux arbitraux chinois faisant concurrence aux instances déjà établies), ainsi que dans le cadre des nouveaux accords qu’elle a pu signer (accords de libre-échange Chine-Australie et Chine-Corée, CEPA, RCEP, CAI).

 

• Vincent BASSANI-WINCKLER, « Exécution de la sentence arbitrale Micula : le Royaume-Uni devant la Cour de justice de l’Union européenne »

En 2013, un tribunal arbitral d’investissement a rendu une sentence indemnisant les frères Micula pour le préjudice qu’ils ont subi en raison de la violation par la Roumanie du traité bilatéral d’investissement qu’elle avait conclu avec la Suède. Cette sentence arbitrale, dont l’exécution a été interdite par la Commission européenne qui considère qu’il s’agit d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, a fait l’objet de plusieurs procédures d’exécution au sein des États membres de l’Union mais également devant les juridictions d’États tiers. En 2020, la Cour suprême du Royaume-Uni a ordonné la mise en œuvre de la sentence arbitrale. Y voyant une violation des obligations du Royaume-Uni découlant du droit de l’Union, en 2022 la Commission a initié un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre duquel l’Avocat général Emiliou a rendu ses conclusions le 9 novembre dernier.

Cette affaire donne ainsi l’occasion de revenir sur les rapports entre l’arbitrage d’investissement et le droit de l’Union sous l’angle de l’exécution des sentences arbitrales d’investissement car la sentence arbitrale Micula n’est pas un cas isolé. Les enjeux sont variés : autonomie de l’ordre juridique de l’Union européenne, effectivité de la Convention CIRDI, stratégies des investisseurs etc. Concrètement, il est probable que la Cour de justice donne raison à la Commission européenne et suive l’Avocat général Emiliou en estimant que le Royaume-Uni n’a pas respecté le droit de l’Union européenne. Les arguments pouvant fonder cette conclusion seront donc discutés. Néanmoins, dans une telle configuration, il est permis de s’interroger sur les effets d’une telle décision vis-à-vis d’un ancien État membre qui pourrait bien devenir un territoire privilégié pour exécuter les sentences arbitrales d’investissement portant atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union. En effet, en mai 2023, une autre juridiction britannique a reconnu une sentence arbitrale CIRDI rendue sur le fondement de l’application intra-UE du traité sur la Charte de l’énergie.

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