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Séminaire

41e réunion des Entretiens d'actualité de l'IREDIES

Entretiens d’actualité

41e réunion

Organisée par Clara GRUDLER, Guillaume LANGLE, Apolline MARICHEZ et  Valentin MARTIN,

Doctorants en droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

Mardi 12 décembre 2023

17h – 19h

Campus Lourcine, Salle des séminaires / sur Zoom

 

Pour s’inscrire, remplir le formulaire en bas de page avant le 8 décembre

 

Programme :

L’arrêt E.D.L. de la CJUE : une rupture de la jurisprudence de la Cour en matière de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen ?

par Louise MAILLET

Doctorante en Droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)

 

Peut-on parler d’une « politique européenne » de lutte contre la pauvreté en droit de l’Union ?

par Louis FEILHES

Maître de conférences en Droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)

 

Spéculations autour de la responsabilité internationale des États à l’aune des accords concertés non conventionnels en matière migratoire conclus entre l’Union européenne et les États africains

par Noury KAMEL

Doctorant et A.T.E.R. en Droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)

 

Présentation des interventions

• Louise MAILLET, « L’arrêt E.D.L. de la CJUE : une rupture de la jurisprudence de la Cour en matière de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen ? »

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est remarquablement fournie en matière de coopération judiciaire en matière pénale, mettant en lumière les limites du principe de reconnaissance mutuelle au regard de la nécessité de protéger les droits fondamentaux des personnes poursuivies et détenues. Récemment, dans l’arrêt de Grande chambre E.D.L du 18 avril 2023, la Cour est venue préciser cette jurisprudence au regard des motifs de refus relatifs à l'exécution du mandat d'arrêt européen. L’intérêt de cet arrêt repose sur l’élargissement du motif jurisprudentiel – car initialement non-prévu explicitement dans la décision-cadre 2002/584/JAI – fondé sur la protection des droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Dans sa jurisprudence antérieure, depuis le désormais célèbre arrêt Aranyosi et Căldăraru du 5 avril 2016, la Cour a admis que les autorités judiciaires d’exécution d’un mandat d’arrêt pouvaient refuser d’exécuter un mandat d’arrêt à deux conditions cumulatives : i) des défaillances systémiques ou généralisées dans l'Etat membre d'émission ; et ii) des motifs sérieux et avérés de croire qu'il existe un risque réel que la personne subisse une violation d'un droit fondamental. Ce contrôle en deux étapes a par la suite été réaffirmé de façon régulière par la Cour dans sa jurisprudence ultérieure.

Dans l'arrêt E.D.L., portant sur un mandat d'arrêt émis contre une personne présentant d'importants troubles psychiatriques, la Cour a pourtant admis la possibilité de suspendre l’exécution d’un mandat d'arrêt s'il existe un risque concret de mettre manifestement en danger sa santé, puis de la refuser si ce risque ne peut être écarté dans un délai raisonnable. La Cour, dans son raisonnement, écarte la première condition posée dans sa jurisprudence et diffère de son approche traditionnelle, s’appuyant pour la première fois sur l’article 23(4) de la décision-cadre 2002/584/JAI. La contribution s'intéressera particulièrement à l'apport de cet arrêt et à la mesure dans laquelle celui-ci constitue – ou non – une rupture vis-à-vis de la jurisprudence de la Cour, au regard de la motivation de la décision.

 

• Louis FEILHES, « Peut-on parler d’une “politique européenne” de lutte contre la pauvreté en droit de l’Union ? »
Sans y être totalement étrangère, l’Union européenne (UE) mène une action en matière de lutte contre la pauvreté dont les effets sont – au mieux – difficilement perceptibles ou – au pire – inexistants. Dans ces conditions, prétendre qu’il existe une « politique européenne » de lutte contre la pauvreté, d’un poids et d’une importance similaires à d’autres politiques européennes établies comme la politique agricole, la politique des transports, la politique énergétique ou même la politique du « numérique », paraît hasardeux.

Pour autant, il convient de ne pas minimiser les actions concrètement entreprises par l’UE dans ce domaine. Depuis les années 1970, par l’intermédiaire de fonds de soutien, de programmes d’action et dans le cadre de méthodes ouvertes de coordination (MOC), l’UE incite, guide, oriente les États membres pour lutter contre la pauvreté. En effet, même à l’heure actuelle, aucune compétence explicite n’est reconnue dans les traités européens pour lutter contre la pauvreté. Même par l’intermédiaire d’autres bases légales, et afin de poursuivre l’objectif de « lutte contre l’exclusion sociale » (art. 9 TFUE), les mesures européennes ne traitent que trop rarement du phénomène de la pauvreté en lui-même. Dans une moindre mesure, l’ampleur de l’action européenne pourrait se manifester à travers le recensement de toutes les actions de l’UE qui, même très incidemment, contribuent à la diminution de la pauvreté. Pour cause, il est établi que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel, qui requiert des mesures relevant de domaines très variés (l’accès au logement, aux soins, la protection spécifique des personnes vulnérables, etc.). Sur ce point, par exemple, la lutte contre la pauvreté au travailest clairement un domaine appréhendé par l’UE. Il n’en demeure pas moins que, in fine, même afin de traiter du caractère multidimensionnel de la pauvreté, les mesures de l’UE s’avèrent trop inégales et fragiles pour être jugée efficaces.

Ces faiblesses de l’action européenne sont surtout accentuées, voire favorisées, par son tropisme économique. Des auteurs avaient pu affirmer, dans les années 90, que « l’Union européenne ne se préoccupe des pauvres qu’à condition qu’ils ne perturbent pas le marché de l’emploi et les budgets d’aide sociale »… et il semble difficile de ne pas fondamentalement leur donner tort. En effet, si l’UE s’autorise à prendre des mesures contre la pauvreté, ces mesures sont dirigées vers des personnes économiquement actives et potentiellement ou réellement en situation de pauvreté (comme le « travailleur pauvre »). L’inactif économiquement est ainsi privé de toute véritable protection européenne. Enfin, ce tropisme économique est manifeste dans l’inclusion de la lutte contre la pauvreté au sein des mécanismes de coordination européenne des politiques économiques. Le semestre européen paraît pourtant être un instrument idoine de l’UE : les États membres, dans la définition de leur priorité économique et budgétaire, auraient été très fortement invités à y inclure des programmes et mesures en matière de pauvreté. Cependant, la coordination européenne reste focalisée vers des objectifs de réduction des dépenses publiques qui s’accommodent mal avec une politique ambitieuse de lutte contre la pauvreté.

 

• Noury KAMEL « Spéculations autour de la responsabilité internationale des États à l’aune des accords concertés non conventionnels en matière migratoire conclus entre l’Union européenne et les États africains »

En matière migratoire, la coopération entre l’Union européenne (UE) et les États africains se matérialise de plus en plus par des accords informels aux expressions variées qui ne suivent pas la procédure de l’art. 218 TFUE relatif aux accords internationaux. Bien qu’ils ne formulent pas d’obligation juridique, ils ont des conséquences notables sur le droit des États parties. Ces accords concertés non conventionnels portent, en effet, sur de nombreux domaines tels que la gestion et le contrôle des frontières, les politiques d’asile ou encore le retour des personnes en séjour irrégulier dans l’UE vers leur pays d’origine. Afin de vêtir leurs textes d’un caractère contraignant, les parties les assortissent de dispositifs dits « quasi-légaux » qui comprennent des coopérations diplomatiques, des assistances techniques et des mécanismes de conditionnalité, mis en œuvre par des acteurs étatiques et non étatiques.

Le recours à ces instruments témoigne assurément d’une volonté des États d’éviter tout engagement conventionnel et, par là même, de mettre en jeu leur responsabilité. C’est donc à partir d’un cas de figure hypothétique qu’il convient de penser une adaptation de la responsabilité internationale à partir des outils actuels du droit international et des réflexions juridiques existantes en matière migratoire. Bien que spéculative, cette démarche s’inscrit dans l’urgence de faire progresser le droit et sa pratique pour répondre aux violations des droits humains commises dans un cadre informel.

 

 

Les inscriptions en présentiel sont closes. Pour une inscription pour assister en zoom, contactez iredies@univ-paris1.fr